La Mémoire de l'eau

de Shelagh Stephenson | adaptation de Brigitte Buc et Fabrice Gardin | du 1 au 26 février 2023

Dans un village de la côte anglaise, à l’occasion des funérailles de leur mère, trois sœurs se retrouvent dans la maison où elles ont passé leur enfance, trois femmes très différentes les unes des autres.

​Une excellente comédie familiale anglaise qui est aussi une réflexion tendre sur la mémoire au féminin. Intense et surprenant.

DISTRIBUTION 

 Christel Pedrinelli
Séverine De Witte
Laura Fautré
Bénédicte Chabot
Frédéric Nyssen
David Leclercq

 Metteur en scène: Fabrice Gardin

Assistante: Sandra Raco

Costumes: Sophie Malacord

Décor: Lionel Lesire

Musique: Laurent Beumier

Lumières: Félicien Van Kriekinge

QUELQUES PHOTOS

© Isabelle De Beir

POUR EN SAVOIR PLUS 

Les enfants n’ont décidément jamais les mêmes souvenirs d’enfance… Quand Teresa, Mary et Catherine se retrouvent dans la maison familiale, à l’occasion de la mort de leur mère, elles reprennent rapidement leurs chamailleries et moqueries de petites filles. Il suffira de quelques whiskies bien tassés et de quelques bouffées de substances illicites, pour que le retour au bercail se transforme en un séjour délirant. Le passé, qu’on croyait enfoui à tout jamais, ressurgira brutalement, charriant avec lui son lot de secrets, de mensonges et d’hystérie.

La Mémoire de l’eau est une magnifique histoire de fantômes : fantôme de Vi qui se présente à Mary, en quête de justifications pour la mère qu’elle a été ; fantômes surtout d’une enfance récupérée selon les besoins de chacune. Qui sommes-nous réellement ? De quoi sont tissées les trames de nos vies ? De quoi sommes-nous faits ? Comment répondre à ces questions fondamentales sans confondre l’illusion et la réalité ?


La Mémoire de l’eau nous offre une analyse aiguë de nos comportements humains. Une analyse sensible mais aussi férocement drôle à travers des répliques salées.
Une excellente comédie familiale anglaise qui est aussi une réflexion tendre sur la mémoire au féminin. Intense et surprenant.

The Memory of Water est une pièce écrite par la dramaturge anglaise Shelagh Stephenson, présentée pour la première fois au Hampstead Theatre en 1996. Elle a remporté le Laurence Olivier Award 2000 pour la meilleure nouvelle comédie.

Fabrice Gardin

​Entretien avec Florian Zeller

Ø Quels sont les éléments qui ont éveillé ton intérêt à la première lecture de ce texte ?

C’est une pièce sur le deuil, la mémoire et l’identité mais qui a le mérite de nous faire rire. J’y ai senti un juste équilibre entre la tristesse, la colère et la comédie. Leur maman vient de mourir et ces trois sœurs se retrouvent dans la maison familiale pour l’enterrement. Cet événement catalyseur va grossir, comme une boule de neige, tout au long du spectacle et emporter tout ce qui traîne sur son passage.
L’histoire de ces sœurs qui ne se racontent pas la même histoire m’a touché. Elles ont vécu la même enfance et pensent partager un passé commun, mais elles en ont gardé des souvenirs si différents, souvenirs filtrés par la mémoire individuelle, et interprétés différemment par chacune des sœurs, façonnés et embellis à un point tel que l’illusion a fini par remplacer la réalité.

Ø Où s’arrête la réalité et où commence le mythe familial ?

C’est comme si elles étaient les fragments de leurs mères qui d’ailleurs se retrouvent sur scène à dialoguer avec l’une d’entre elle. Ce procédé aussi m’a séduit car il permet d’entendre son point de vue et de comprendre d’où viennent les caractères si différents des trois filles.

Ø Comment définirais-tu cette écriture ?

C’est, à la fois, très réaliste et très poétique. Très drôle et très émouvant. Les Anglais ont ce don de raconter des histoires qui nous remuent sans en avoir l’air. On rit doucement de la folie ambiante, on sourit de leurs jeux de mots revanchards et, au détour d’une phrase, on est pris par une émotion car ce sont nos sœurs, nos frères, notre famille. Shelagh Stephenson propose une analyse aiguë de nos comportements humains. Une analyse sensible mais aussi férocement drôle à travers des répliques corsées, ça donne une pièce piquante, débordante d’humour et de rebondissements relationnels. C’est efficace, vif et intelligent.

Ø Que peux-tu dire sur les personnages ?

Leur mère est morte et elles ne savent pas trop comment réagir face à la nouvelle. L’une fait du vent, va du fleuriste au tri des vêtements en passant par les pompes funèbres. L’autre tente de s’émouvoir pour celle à qui elle n’a jamais pu confier ses émotions. La dernière, excentrique, décalée, pleure avant tout sa solitude. Et les hommes dans tout ça ? Ils tentent de colmater les brèches. Et les brèches, il y en a beaucoup. D’abord, les trois sœurs ont de sérieux comptes à régler entre elles et l’enterrement de leur mère leur offre l’occasion rêvée pour accoucher de vieilles rancœurs. Mais ce qui les ronge surtout, c’est de ne plus avoir que des souvenirs parcellaires de leur passé. Ironie du sort, leur mère est morte de la maladie d’Alzheimer…
Teresa, l’aînée, semble heureuse de son second mariage. C’est une obsédée de l’organisation, le genre de femmes qui se croit obligée de tout prendre en main si elle veut que les choses se fassent, et se fassent bien. Elle assume une grande partie de la responsabilité des arrangements funéraires comme elle a assumé les soins de sa mère une fois que la maladie d’Alzheimer a débuté. Elle ressent à la fois du ressentiment et un sentiment de protection envers ses sœurs.
Mary, la cadette, est une femme tendue qui a réussi à se bâtir une belle carrière de médecin mais qui a oublié en cours de route d’harmoniser sa vie intime et personnelle. C’est un bloc de certitudes qui s’effrite… Elle vit une série d’interactions avec le fantôme de sa mère, avec qui elle discute de la mémoire et de leur relation.
Catherine, la benjamine, est convaincue que sa naissance n’a pas été désirée ; elle mène une vie d’errance, de voyages et d’expérimentations à la recherche constante d’amour et d’acceptation. Elle est vulnérable, hystérique et hypocondriaque.
Vi, la mère, est mystérieuse, incernable. On ne voit son image que dans le souvenir de ses filles. C’était une femme glamour quand elle était plus jeune. Elle n’était peut-être pas la meilleure des mères, n’enseignant pas certaines choses à ses filles. On a le sentiment d’une vie gâchée…
Mike est le médecin-vedette avec qui Mary entretient une relation depuis cinq ans. Il est pétri par l’envie de satisfaire chacun. Il a une sorte de détachement doctoral et son manque de fiabilité est criant.
Frank est le mari de Teresa et dirige avec elle le magasin de compléments alimentaires diététiques. Il n’est pas satisfait d’effectuer un travail auquel il ne croit pas. C’est un ours ronchon et gentil qui va s’ouvrir et oser enfin avouer à la terre entière qu’il déteste les films de Woody Allen et que son rêve est d’ouvrir un pub…
Pour monter ce spectacle, il faut une troupe. Dès la lecture, j’ai senti la connivence entre ses caractères très différents.

Ø Comment s’est élaborée la scénographie ?

La scénographie imaginée et proposée par Lionel Lesire est tout à la fois réaliste avec son lit au milieu de la pièce comme demandé par l’auteur et poétique car prenant en compte les éléments abstraits de la situation. La présence de la mère morte, la fissure dans la maison, la vue permanente vers les falaises et la mer… Ça nous donne un ensemble très jouant dans lequel la dramaturgie peut s’épanouir aussi bien qu’on l’a rêvée.