La Peste

Albert Camus  | du 16 octobre au 17 novembre 2019

Camus, notre contemporain, nous parle de la grandeur de l’homme et de ses faiblesses et nous invite à interroger l’époque actuelle.

Une chronique de la résistance.

DISTRIBUTION

Avec Sébastien Hébrant, David Leclercq, Toussaint Colombani, Fabio Zenoni, Ronald Beurms, Freddy Sicx, Frédéric Clou, Bruno Georis et Luc Van Craesbeeck.

 Mise en scène : ​Fabrice Gardin
Décors : Lionel Lesire
Costumes : Françoise Van Thienen
Lumières : ​Félicien van Kriekinge

En collaboration avec l’Atelier Théâtre Jean Vilar

QUELQUES PHOTOS

© Isabelle De Beir

POUR EN SAVOIR PLUS 

​La peste, cette maladie terriblement transmissible, sépare les hommes, les rend méfiants, mais par la lutte collective qu’elle suscite, les rapproche aussi et Camus en décrit les manifestations avec une grande précision.

Note d’intention de l’adaptateur/metteur en scène

La ville d’Oran est comme une souricière où la peste se propage et frappe sans logique, c’est l’absurde condition humaine. C’est un engrenage, à l’image de la machine de guerre qui broie tout le monde, coupables et innocents. Des hommes meurent, s’entretuent… Nous perdons des proches que nous ne reverrons plus… et pourtant, nous pouvons aussi être heureux. On continue à exister, à être dans la vie.

‘La Peste’ est une chronique spectaculaire qui nous permet de nous interroger sur notre époque, tant le texte d’Albert Camus nous invite à comparer les faits et la montée du populisme des années trente avec notre actualité. ‘La Peste’ a souvent été interprétée comme une transposition de l’Occupation allemande de la France et de l’organisation de la Résistance qui s’ensuivit. Camus a confirmé cette interprétation, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas aller chercher ailleurs, plus loin. Camus réfléchit au sens de l’existence humaine et à la manière de l’accepter.

Monter ‘La Peste’, c’est, à la suite de Camus, ne pas s’inscrire dans le ‘silence déraisonnable du monde’ mais plutôt s’ancrer dans un mouvement de réflexion et de mise en garde pour les générations futures.

‘La Peste’ prône l’engagement dans l’action collective en raison même de l’absurdité du sort qui accable les hommes. Face à une fatalité unique, le roman collectionne la multiplicité des points de vue individuels pour faire sentir la nécessité de cette force du collectif.

‘La Peste’ exprime la nécessité de l’engagement, diffractée selon les différents cas individuels. De Rieux, l’homme dont l’engagement est pragmatique mais total, à Tarrou, l’athée vertueux, en passant par Cottard, le collaborateur, ou Rambert, celui pour qui c’est un long processus de renoncement à des intérêts strictement individuels.

L’adaptation est structurée en courtes séquences révélatrices de l’évolution de la situation et surtout des hommes qui la vivent. Il faut aller à l’essentiel, mettre en évidence le significatif, la pensée de cette œuvre fascinante et remuante tout en gardant les multiples dimensions de l’esprit de Camus.

Derrière l’adaptateur/metteur en scène, il y a un citoyen. Camus défendait une position d’engagement et de témoin, ce qu’il a d’ailleurs fait pendant la guerre à Combat. Monter « La Peste », c’est rendre hommage à Camus et son œuvre mais aussi, et surtout, faire passer des idées de premier plan sur la civilisation en cours.

J’aimerais qu’on retienne du spectacle que « ce qu’on apprend au milieu des fléaux, c’est qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer qu’à mépriser ».

Camus a écrit dans ses carnets : « On ne pense que par image. Si tu veux être philosophe, écris des romans. » Je propose l’étape suivante, montrons ces images sur scène…

Fabrice Gardin

​Du bon usage de la Peste

Pour Camus, La Peste est une chronique, l’évolution au jour le jour de la propagation de la maladie dans la ville d’Oran, une ville qu’il connaît bien pour y avoir vécu. Il n’y a plus comme dans L’Étranger une succession de moments dénués de sens mais un continuum, une histoire qui devient un destin. Ce destin va fondre sur Oran et ses habitants sous la forme d’un fléau légendaire de l’humanité : la peste. Cette maladie terriblement transmissible sépare les hommes, les rend méfiants, mais par la lutte collective qu’elle suscite, les rapproche aussi et Camus en décrit les manifestations avec une grande précision.

​Ce fléau, c’est aussi cette peste brune qui ravage l’Europe comme au Moyen Âge avec son marché noir et la fumée noire des fours crématoires, un livre écrit-il, qui a « comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme ».

​La peste représente aussi le mythe du Mal. Camus interroge : « Qu’est-ce que cela veut dire, la peste ? » et il répond « c’est la vie, voilà tout. » C’est une lutte continuelle contre le Mal car selon le docteur Rieux « le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais. » et la révolte va naître du désespoir des hommes et de leur soif de vivre.

​Les personnages se dessinent peu à peu tout au long du récit, ce sont des résistants, ceux qui engagent une lutte à mort contre le fléau, quelles que soient leurs motivations.
​Selon Roger Quilliot, ils seraient plutôt « un éclatement du personnage de l’Étranger » à travers la lucidité du docteur Rieux, la modestie de Grand, la recherche de pureté de Tarrou, la sensualité de Rambert. Même le père Paneloux finira par rejoindre les ‘résistants’ et apporter aide et compassion à son prochain.

​Tarrou, c’est ce jeune homme de L’Étranger qui compatit pour Meursault et rejette comme une monstruosité sa condamnation à mort. Il déteste se faire remarquer et parler pour ne rien dire; c’est ‘un pur’. Il connaît le terrible défi « de faire le moins de mal possible et même parfois un peu de bien. »

​Le docteur Rieux semble un roc, étranger au découragement, un costaud capable de porter la lutte à bout de bras et se confond avec elle. Pourtant, il n’apparaît guère en pleine lumière. Meursault parlait à la première personne, étranger à lui-même. Rieux, pour engagé qu’il soit, s’exprime à la troisième personne, effacé, en retrait dans le récit.

​Camus confirme ce décalage calculé : « La Peste est une confession, et tout y est calculé pour que cette confession soit d’autant plus entière que la forme y est plus indirecte ». Ce sont des hommes de bonne volonté qui pensent « qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer, » qui lutte aussi contre les complices du fléau, ces corps constitués qui subissent, sans véritablement engager le combat. Finalement, le docteur Rieux pense qu’il est juste « que de temps en temps au moins la joie vînt récompenser ceux qui se suffisent de l’homme et de son pauvre et terrible amour. »

​Interview Lionel Lesire


Pourrais-tu te présenter brièvement ?

​Je suis plasticien et scénographe, je dessine depuis 1992 des scènes et des costumes pour le Théâtre, la Danse et l’Opéra. Pour le moment je travaille à deux séries aquarelle et acrylique : « courage » et « le cahier des récoltes ».


Sur quoi ont porté tes discussions avec Fabrice à propos de ‘La Peste’ ?

​Je travaille assez régulièrement avec Fabrice Gardin, qui en plus d’être un auteur est aussi plasticien, nos discussions tournent autour de la dramaturgie, j’essaye de définir avec lui l’espace, la scène où va prendre place l’histoire qu’il veut raconter. C’est très agréable parce que nous parlons le même langage.


Comment expliquerais-tu cette scénographie au public ?

​Je crois qu’en général il n’y a pas besoin d’expliquer la scénographie au public, je crois que le public possède une intelligence plastique et ressent la scène. Tout au plus on peut évoquer les prolégomènes : ici c’est Oran, l’Algérie, son soleil, sa chaleur et le grand ennui de l’enfermement. La mer clôt l’espace et la ville est un labyrinthe blanc où sévit une maladie que l’on ne voit pas, un ennemi invisible au paradis.


Comment as-tu résolu le défi des différents lieux ?

Il y avait une alternative : soit on considère tous les lieux comme au cinéma (l’adaptation est très cinématographique) ou on compose un lieu synthétique qui permet toutes les situations, c’est cette option que nous avons choisie.


Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier de scénographe ?

La collaboration avec les équipes ! Au théâtre, les spectateurs voient surtout les acteurs travailler, mais pour qu’ils soient mis en valeur, en lumière, en costumes, qu’ils puissent briller, toutes sortes de métiers sont mis à contribution, ces artisans, ces techniciens, ces artistes, mon métier me fait tous les croiser. C’est un métier transversal.


Quel est le pire cauchemar d’un scénographe ?

Un accident. Mais au théâtre il y a des mots que l’on ne prononce pas, j’aime croire que certaines superstitions nous préservent.


Quel est le plus grand bonheur d’un scénographe ?

Me mélanger au public, incognito, le soir de la première et entendre le public quitter la salle satisfait de la soirée.


Vers quels textes vont tes préférences en termes de scénographie ?

J’aime tous les répertoires, j’aime rire, pleurer, rêver, penser, bouillir, soupirer… je crois que j’aime le théâtre finalement.

Quelques questions à Françoise Van Thienen


Quel est ton lien avec le Théâtre des Galeries ? Ton plus beau souvenir ?

​Je travaille comme costumière pour le théâtre des Galeries depuis près de 20 ans. Difficile de sélectionner ‘mon plus beau souvenir’, le travail de création de costumes inspirés du XVIème siècle pour « Roméo et Juliette » ou du XVIIIème pour « Les liaisons dangereuses » était passionnant. Récemment, j’ai un très beau souvenir de la création du « Journal d’Anne Frank », d’abord, parce que le sujet m’interpellait beaucoup, ensuite parce que le travail avec les différentes équipes, jeu, mise en scène, scéno, maquillage, coiffure, accessoires…. s’est fait dans des conditions très agréables.


Comment tu abordes-tu un texte comme « La Peste » ?

​Après une première lecture, j’ai rencontré le metteur en scène pour discuter de sa vision de la pièce, nous avons feuilleté ensemble des livres de photos et sélectionnées celles qui nous parlaient. Ensuite, j’assiste aux répétitions et je réagis en adaptant notre vison aux mouvements que les comédiens doivent faire.


Peut-on parler d’un spectacle en costumes d’époque ?

On tient compte de l’époque où le roman a été écrit mais sans faire de reconstitution historique, le roman de Camus est une allégorie.


Vers quoi vont tes affinités au niveau du costume ? Qu’est-ce que tu préfères habiller comme spectacle ?

​Je pense que tout m’intéresse, le spectacle c’est un ensemble, un texte, une équipe, une atmosphère, une nouvelle aventure à chaque fois.