Misery

William Goldman | du 21 octobre au 15 novembre 2020

Un huis-clos dense et terrifiant
Durée du spectacle : 1h40

DISTRIBUTION

​Cathy Grosjean
David Leclercq
Robin Van Dyck

 Mise en scène : Fabrice Gardin
Décor : Ronald Beurms
Costumes : Françoise Van Thienen
Lumières : Félicien Van Kriekinge
Décor sonore : Laurent Beumier
Maquillage: Florence Jasselette
Assistante : ​Juliette Manneback

QUELQUES PHOTOS

© Isabelle De Beir/ Kim Leleux

POUR EN SAVOIR PLUS 

Le personnage de Paul, tel un double de Stephen King, est un écrivain à gros tirage. Il est à un tournant de sa vie, souhaitant changer de registre, de style, de propos et mettre un terme à l’interminable saga à laquelle il doit son succès. Pour cela, il vient de terminer un roman où il fait mourir son héroïne : Misery. Mais un accident de voiture le met à la merci d’Annie, une lectrice psychopathe qui l’admire plus que tout…

Misery est moins une pièce du genre horrifique que la réplique amusée d’un auteur au fanatisme de ses lecteurs, usant à la fois de l’effroi et du rire vengeur.
Les dialogues sont remarquablement orchestrés, sans temps mort. L’adaptation extrait la substantifique moëlle du roman, avec une touche d’humour bienvenue.

Un thriller psychologique haletant comme seul Stephen King sait en écrire…

​Interview de Fabrice Gardin

​Entretien avec Florian Zeller

Quelles connaissances aviez-vous de Stephen King ?

J’ai lu quelques livres, vu l’un ou l’autre film dont certains m’ont marqué (Stand by me, La ligne verte, Shining, …), mais sans plus… Je ne suis pas un fan absolu qui voulait à tout prix monter ‘Misery’. C’est l’histoire qui m’a séduit et elle aurait été écrite par quelqu’un d’autre que je m’y serais intéressé de la même manière. C’est la rencontre de ces deux personnages qui m’a captivé. Le jeu aussi, sans doute, que King y a mis en l’écrivant. Je me doute qu’il a dû être harcelé plus d’une fois par un fan un peu trop envahissant. J’aime dans son écriture cette espèce d’ironie permanente et sa façon de rebondir sur les situations.
​Son bouquin, ‘écritures. Mémoires d’un métier’ est passionnant car il y décortique sa manière d’écrire et d’où naissent ses histoires. Ce livre pourrait être le manuscrit qu’Annie Wilkes fait brûler à Paul Sheldon…
​Il nous y explique, notamment, qu’au moment de l’écriture de ‘Misery’, il était dans un perpétuel état second à cause de l’alcool et de la drogue. « Fin 1985 et début 1986, j’ai écrit Misery (le titre décrit très bien dans quel état d’esprit j’étais), roman dans lequel un écrivain est retenu prisonnier et torturé par une infirmière folle. »
​Il explique que c’est pendant l’écriture de son livre suivant, Les Tommyknockers que sa femme, Tabby, lui a donné un ultimatum, ou il arrêtait ses addictions ou elle partait avec les enfants. Il a réfléchi, aussi bien que son état lui permettait vu le délabrement physique et mental auquel il était arrivé et il a dit que ce qui l’a finalement décidé à se faire soigner, c’est Annie Wilkes, l’infirmière psychotique de ‘Misery’. « Annie, c’est la coke et la gnôle réunies et j’en avais assez d’être l’écrivain esclave d’Annie. Je redoutais de ne plus pouvoir écrire si j’arrêtais de boire et de me droguer, mais j’en arrivais à la conclusion que dans ce cas-là, j’échangerais l’écriture contre la possibilité de sauver mon mariage et de voir mes enfants grandir. » Stephen King était obnubilé par l’idée que l’effort créateur et les substances qui altèrent l’esprit sont étroitement liés. Bien entendu, il a continué à écrire et sa production nous prouve qu’il pouvait aisément se passer des drogues et de l’alcool pour créer.

Quels sont les éléments qui ont éveillé votre intérêt à la première lecture de ce texte ?

La confrontation entre deux personnages forts dans un espace clos. King a construit deux personnages très riches, aux multiples facettes. On sent très vite que quelque chose cloche chez Annie mais on ne sait pas jusqu’où elle peut aller. Quant à Paul, si on le découvre alité, amoindri et faible, on découvre très vite que c’est un être fort et dominateur. On a deux entités narcissiques qui entrent en collision. King a créé et développé deux monstres égoïstes et les a mis ensemble pour suivre un jeu du chat et de la souris entre deux personnages aussi rusés l’un que l’autre.

On a aussi tous les ingrédients d’un suspens, une maison étrange isolée par la neige dans les montagnes du Colorado mais avec un grain de sable en plus… Annie Wilkes ! C’est très amusant à travailler car il faut veiller à garder la tension et le côté thriller en permanence.

Je crois que c’est ce qui m’intéresse en premier lieu quand je monte une pièce : Quelle est la matière que nous avons avec les comédiens pour nous ‘amuser’ et donc ‘amuser’ le public. Dans le cas de ‘Misery’, il y a de la substance, il y a de nombreuses pistes à explorer et développer.

Est-ce que le fait qu’il existe un film célèbre vous sert ou vous paralyse ?

Dans un premier temps, il y a eu un roman célèbre… Et c’est là que le bât blesse… C’est-à-dire qu’il y a ceux qui ont aimé le roman, il y a ceux qui ont aimé le film, il y a ceux qui ont aimé les deux et puis ceux qui ont aimé plutôt l’un que l’autre. Et puis, tous les spectateurs qui n’ont pas lu le livre ou vu le film… Donc, il faut être un peu détaché par rapport à ça. Avec l’équipe, on est parti du texte que nous avions en mains et nous l’avons abordé comme n’importe quel texte de théâtre. Est-ce que ce texte a toutes les valeurs requises pour être porté à la scène, je crois que vous avez déjà compris que la réponse est oui… Nous avons un contexte fort, des personnages forts, une histoire solide et un arrière-fond, l’écriture, qui nous permet une belle réflexion sur la création.

Bon, maintenant, il faut dire une chose. William Goldman qui a écrit la version théâtrale est la même personne qui a écrit le scénario du film… Donc, est-ce que le spectacle que vous allez voir est plus proche du film que du roman, je pense aussi que vous avez la réponse…

Dans le roman, King va plus loin dans la violence qu’Annie impose à Paul. Il va plus loin dans l’horreur. Je crois qu’il y a des choses difficiles pour une scène de théâtre…

Comment s’est construite la distribution ?

L’important dans le cas de ‘Misery’. C’est que pour ceux qui connaissent, ce soit crédible et qu’ils prennent du plaisir à revoir l’histoire et pour ceux qui ne connaissent pas qu’ils adhèrent à ce qu’on leur montre et qu’ils se fassent avoir. Donc pour ça, il faut des comédiens sincères et d’une technique à toute épreuve.

David Leclercq, qui joue Paul, passe une moitié du spectacle couché dans un lit et l’autre assis dans une chaise roulante… Il doit souffrir, il doit avoir peur, il doit pouvoir trouver assez de force en lui pour se rebeller… Et en même temps, Paul Sheldon manie l’ironie et l’humour constamment dans sa vie et donc, même ici, il ne peut s’empêcher de ressortir quelques munitions. Ayant déjà souvent travailler avec David, je n’ai pas hésité une seconde. Il possède, à la fois, cette force qu’on remarque à la première rencontre et une très large palette d’émotions. Il a une souplesse physique et émotionnelle que nous exploitons au maximum.

Chez Annie Wilkes, le comique et le tragique sont les deux faces d’une même pièce. Annie possède un côté naïf, presque enfantin, qui rend ses écarts et ses lubies étranges. C’est quelqu’un qui étouffe dans sa vie et qui, par ailleurs, tente de cacher ses accès de folie. Elle a un côté joyeux et adorable qui cache l’horreur enfouie en elle, horreur qui lui vient, sans doute, de ses problèmes d’enfant. Elle a refoulé son enfance. Tout va bien dans le meilleur des mondes, mais derrière se cache une vraie maladie psychologique. C’est parce qu’elle est gentille que quand sa folie s’exprime, elle sort avec beaucoup de violence.

Pour incarner Annie Wilkes, il fallait une comédienne qui, au départ, à l’air accueillante, gentille et bienveillante et qui sombre peu à peu dans la folie. Mais cette folie est là, dans son œil, dès la première minute… Cathy Grosjean, que j’ai vu jouer dans beaucoup de spectacles différents, s’est imposée par son physique et son talent. Elle peut être d’une douceur magnifique mais elle a un poignard accroché à sa ceinture (c’est une image…).

Pour le shérif, j’ai simplement posé mon choix sur un jeune comédien avec qui j’avais envie de travailler. Il y en a beaucoup mais cette fois, c’est Robin van Dyck et j’en suis très heureux.

Quelle est la ligne de conduite pour la scénographie, les costumes, les musiques et les lumières ?

On est dans un coin perdu du Colorado fin des années 80… Pour le coup, on parlait de référence, ici, on a effectivement le film qui a mis des images sur les mots de Stephen King. Et comme c’était assez fidèle et que le film comme la pièce se passent à la même époque et au même endroit, il est vrai que nous avons revisionné ce film (très bon d’ailleurs).

Comme j’aime bien créer des compagnonnages, et que je suis heureux de retrouver des gens talentueux de projet en projet, c’est Françoise Van Thienen qui gère les costumes, elle était déjà de ma première mise en scène aux Galeries (en 2009) et depuis on s’est retrouvé à de nombreuses reprises.

C’est pareil pour Laurent Beumier à la création sonore et Félicien van Kriekinge aux lumières, on doit frôler la trentaine de spectacles ensemble… C’est très chouette car il y a une espèce de code non écrit qui s’est installé et qui fonctionne très bien entre nous. Ici, on va développer, évidemment, le côté huis-clos terrifiant…

Pour la scénographie, vu qu’il y a quelques lieux importants en dehors de la chambre ; la cuisine, le couloir et le perron, Ronald Beurms est parti sur l’utilisation d’un plateau tournant. Cela permet une belle fluidité dans les changements de décors. Le style est celui d’une maison en bois pas très bien entretenue par une femme seule dans les montagnes. Il y a un côté flippant assez marqué dans les couleurs, dans les tâches de moisi…

Lorsque Paul se réveille, il doit être content d’être en vie mais il ne doit pas être complétement rassuré…