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J’aime
que mes personnages soient bancals dès le départ.
Cela leur confère
plus de sincérité et de densité. "
Clément Koch
DISTRIBUTION
Patrick Ridremont - Margaux Frichet
Rémy Thiebaut - Nicolas Buysse
Mise en scène Hélène Theunissen
Scénographie Dimitri Shumelinsky
Costumes Laurence Hermant
POUR EN SAVOIR PLUS
A Manhattan, Sara, serveuse dans un grand restaurant, rêve de devenir comédienne. Bobby, un client, lui propose de travailler l’audition du rôle de Juliette pour le Majestic Theatre, avec l’aide de son frère Matt Donovan, un ancien comédien écarté du circuit pour son alcoolisme et son foutu caractère. Sous le regard bienveillant de Tyler, un acteur de rue bègue qui amuse les touristes à Times Square, la pièce de théâtre prend doucement l’ascendant sur l’histoire de Sara, Bobby et Matt, et rebat les cartes de leurs carrières.
L’action a pour cadre un loft new-yorkais défraîchi mais elle pourrait se situer n’importe où tant la portée de la pièce est universelle. Les accidents de parcours n’ont pas de frontières mais il faut retenir qu’on peut toujours s’en remettre. Sur scène, des écorchés qui cachent plus ou moins leur tendresse et qui vont se tendre la main.
La pièce de Clément Koch nous invite à nous interroger sur la façon dont le théâtre traite le thème du maître et de l’élève, du spécialiste et du débutant, du savant et de l’ignorant qui cherche à s’élever. Elle nous offre une double leçon de théâtre et de vie.
« J’aime que mes personnages soient bancals dès le départ. Cela leur confère plus de sincérité et de densité. » - Clément Koch
Coulisses et rêve américain
Entretien avec Clément Koch
Clément Koch est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre, dont Sunderland qui témoignait de son affection pour la culture anglo-saxonne. Avec Times Square, il renoue avec cette influence et livre les secrets de fabrication du métier d’acteur.
L’avant-scène théâtre : Quelle a été votre inspiration pour cette pièce ?
Clément Koch : Sans doute ma formation d’acteur, et lot de craintes, de vérités, de doutes… Dans Times Square, je donne à voir ce que j’appelle « l’usinage » : les coulisses de fabrication d’une pièce. Elles fourmillent d’anecdotes très drôles, au potentiel dramaturgique hautement intéressant. Moi qui crains toujours que le public ne s’ennuie, j’use de la mise en abyme du théâtre dans le théâtre car elle rend parfois poreuse la limite entre le réel et le fictif… Mais au-delà de l’envers du décor, je me suis attaché à développer autre chose, qui sous-tend toute la pièce : l’histoire fraternelle de Matt et Bobby. Mais là, je préfère ne pas en dire plus…
AST : Pourquoi situer l’intrigue de votre pièce outre-Atlantique ?
C. K. : Le succès de ma pièce Sunderland, qui se passait en Angleterre, m’a donné l’envie de retrouver une écriture à l’anglo-saxonne couplée à une problématique sociale forte dans un décor loin du théâtre bourgeois et parisien. Situer l’histoire de Times Square à Paris aurait, je crois, limité sa portée, et l’aurait teintée d’un entre-soi qui ne me plaisait pas. J’aime aller ailleurs et inviter le public à un certain voyage. C’est le deal : le billet d’avion est compris avec le billet de théâtre.
AST : Qu’empruntez-vous d’autre au théâtre anglo-saxon ?
C. K. : Assurément, la musique de la langue. Sa retranscription tient à la composition même des phrases. Je refuse toujours aux acteurs le droit de réorganiser la syntaxe : je l’ai construite ainsi sciemment, afin qu’elle nous emmène dans une musicalité inhabituelle. On me demande souvent de qui j’ai adapté le texte – ce qui est plutôt flatteur ! J’emprunte aussi aux Anglais un goût pour l’ironie, qui n’est autre qu’un mécanisme de défense, pour ne pas avoir à dire les choses. On retrouve ces non-dits partout dans la vie : les gens n’ont pas tendance à s’ouvrir systématiquement aux autres, ou du moins pas frontalement. Il y a toujours des processus de déviation, des réflexes de dissimulation, une envie de contourner…
AST : Quelle place accordez-vous aux jeux de contrastes ?
C. K. : J’axe toujours mon travail sur l’alternance du sombre et du comique. Times Square est un objet léger dans le ton, alors qu’il aborde en creux la violence, l’alcoolisme, le doute, la solitude…Quant à mes personnages, d’importants contrastes les opposent, en effet. Chez les jeunes, Tyler a des problèmes d’élocution, tandis que Sara est très à l’aise avec les mots : l’une est instinctive, l’autre est un laborieux. Chez les frères, Bobby a abandonné sa voie artistique pour une vie plus rangée, alors que Matt s’acharne à travailler son art : cette dualité est au cœur même de la pièce.
AST : Avez-vous un penchant particulier pour les puissants déchus ?
C. K. : Oui. Les héros ne m’intéressent pas. Ils n’existent pas. On nous vend du parfait tout le temps. Écrire, au contraire, implique de passer les failles et fêlures au microscope. J’aime que mes personnages soient bancals dès le départ. Cela leur confère plus de sincérité et de densité.
AST : Quelle influence votre expérience d’acteur exerce-t-elle sur votre écriture ?
C. K. : En tant qu’acteur, il m’est arrivé d’endosser des rôles qui ne servaient que de faire-valoir. J’ai donc à cœur de donner à tous mes personnages, même secondaires, une trajectoire. Si chacun a « quelque chose à mordre », le fil dramatique reste tendu et tout le monde est content !
Propos recueillis par Dobra Szwinkel, L’Avant-Scène, n°1512
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