Distribution
Séverine De Witte
Amélie Saye
Arnaud Van Parys
Mise en scène : Marie-Sylvie Hubot
Scénographie : Léa Gardin
Musique : Laurent Beumier
Équipe technique :
Félicien Van Kriekinge
Laurent Comiant
Corentin Van Kriekinge
Vigen Oganov
Louis Linotte
Lou Provensal
La vie de Marie Jo, ce sont les stages qu'elle organise. C'est là qu'elle donne sa pleine mesure. Adepte de méthodes énergiques, elle sait comme personne mobiliser un groupe et pousser les stagiaires à dépasser leurs limites pour prendre conscience de leurs vrais problèmes. Elle travaille en tandem avec Jeff, son assistant rebelle (et son premier patient). Cette fois le stage a lieu dans une bergerie totalement isolée en montagne. Mais au lieu du groupe attendu, une seule personne se présente : Béatrice. Qui se cache derrière cette hyperémotive à la logique très personnelle ? Quel compte est-elle venue régler ?
Le stage se transforme en une confrontation où, pour la première fois, Marie Jo et Jeff sont eux aussi obligés de se révéler. Sont-ils là pour régler les problèmes des autres ou pour régler les leurs ? Que cherche-t-on dans ces stages qui, sous des formes diverses, résistent au temps ? De l'espoir ? Une écoute ? Des émotions plus fortes qu'ailleurs ? La vie réinventée n'est-elle pas simplement plus vivable que la vraie vie ?
Dans l'espace protégé du stage, on bénéficie d'une certaine indulgence. Jeff peut laisser libre cours à sa mythomanie, Marie Jo peut exercer son pouvoir dérisoire, Béatrice peut avoir l'illusion que tout va s'arranger...
Avez-vous profité de vos vacances pour suivre un stage afin de découvrir vos talents occultés par des années de nécessités professionnelles ? Vous connaissez certainement quelqu’un à qui ce genre d’activité a apporté le bonheur, une révélation, ou au moins, une aventure. Mal orienté dans la vie, contrarié dans sa vocation, l’éternel insatisfait ne demande qu’à découvrir de nouveaux chemins, manier de nouvelles théories, croire qu’il pourra devenir un homme nouveau. Le stage fait recette. L’engouement est né il y a une quarantaine d’années. Le stage est maintenant devenu un rite social, une sorte de phénomène initiatique.
Celui-ci, ‘Nature et Dépassement’, imaginé par Olivier Dutaillis et Joëlle Seranne, relève à peine du canular. Le mot Nature plaît, aux dilettantes comme aux laborieux. Il réveille les souvenirs romantiques : « asile heureux » et « orages désirés ». Il évoque la vie simple, loin des métropoles polluées, des excitations épuisantes. Il promet le retour au paradis perdu. Alors, quand résonne le mot nature, une harde de mystifications ouvre le tiroir-caisse pour profiter de l’aubaine. Le mot Dépassement demande au candidat plus de courage et exige qu’il sorte de sa médiocrité. Mais liés ici pour le théâtre, les deux mots rassemblent deux mensonges : celui du passé et celui de l’avenir. Travers de notre époque ? Il s’agit plutôt de réalité atemporelle, et de la comédie que les hommes se donnent à eux-mêmes. Comme celle que Marie-Jo et Jeff, jouent depuis vingt ans afin de ne pas s’avouer leurs erreurs.
À propos des auteurs
Olivier Dutaillis
Olivier Dutaillis est romancier, scénariste, auteur et metteur en scène de théâtre. Ses pièces ont été distinguées par le Grand prix du Jeune Théâtre de l’Académie-Française ainsi que le prix Nouveau Talent Théâtre de la SACD. Sa première pièce, intitulée Les Grandes Personnes, créée au Théâtre de Poche-Montparnasse en 1994, a été primée aux Molières (prix Europe 1). Une douzaine d’autres ont suivi, notamment Une femme de terrain (créée au Petit Montparnasse), L’Inventeur mirobolant, spectacle jeune public (Heyoka CDN), Le Dernier Numéro (Théâtre du Campagnol, Festival d’Avignon), Nature et dépassement (en collaboration avec Joëlle Seranne, Théâtre La Bruyère), On s’entendait si bien (bourse Beaumarchais), La Fabrique de couleurs (Chartreuse Villeneuve-lez-Avignon), Autour d’un verre, La Vie sans chiffres (Avignon Off, reprise Théâtre du Gymnase Paris, 2019). Son théâtre est publié aux éditions Actes Sud-Papiers et à L’avant-scène théâtre. Il a aussi écrit de nombreuses pièces radiophoniques (France Culture) et il a été dramaturge pour différentes structures (notamment le Théâtre du Campagnol, Jean-Claude Penchenat). Romancier, il a publié chez Albin Michel : Une aventure monumentale (Livre de Poche), La Pensionnaire du bourreau (prix du Roman populaire, Livre de Poche), Le jour où les chiffres ont disparu. Et précédemment, chez d’autres éditeurs : Bientôt de retour (Flammarion) ; Le Simulateur (Gallimard, prix de la psychiatrie française) ; Billets d’absence (Mercure de France). Ses scénarios ont été distingués par le Grand prix de la fiction, Festival de Luchon (Une preuve d’amour, réalisation Bernard Stora). Il a écrit une vingtaine d’autres films, dont Une femme dans la Révolution (série), Marthe Richard, Le Pain du diable, Justice sous influence, Dans la peau d’un autre, L’Enfant de la providence, Affaires secrètes, La Rivale, Un bonheur si fragile… et une série documentaire : Les Parures animales. Parmi ses projets en cours, un nouveau roman et une comédie musicale.
Joëlle Seranne
Joëlle Seranne est comédienne, danseuse, metteuse en scène, dramaturge, scénariste et professeure de théâtre. Elle joue également dans des téléfilms et promulgue des conseils ainsi que des cours de gestion du stress, de la confiance en soi et de l'aisance relationnelle. Après une formation professionnelle de danse, Joëlle Seranne poursuit son cursus au C.N.S.A.D avant de créer ses premières comédies-ballets, notamment tirées des pièces de Molière : La comtesse d'Escarbagnas et Le Mariage forcé ; elle porte plus tard au festival d'Avignon deux seule-en-scène : Une femme de terrain et Le dernier numéro mis en scène aux côtés d'Olivier Dutaillis, avec qui elle coécrira par la suite Nature et Dépassement (2004). Huit ans plus tard, Joëlle Seranne renouvelle cette collaboration avec Autour d'un verre (2012).
Manipulations à quatre mains
Olivier Dutaillis et Joëlle Seranne, les auteurs
Une nouveauté dans le paysage théâtral : Olivier Dutaillis revient à l’affiche mais pas en auteur solitaire. Dutaillis et Joëlle Seranne sont les deux auteurs de « Nature et Dépassement ». Voilà qui brouille nos pistes !
Dutaillis était, jusqu’alors, un écrivain en solo, doublé d’un metteur en scène, Joëlle Seranne une actrice et metteur en scène (elle avait d’ailleurs joué un texte de Dutaillis au Petit-Montparnasse, « Une femme de terrain »). Les voilà associés à l’écriture d’une nouvelle comédie. Et c’est Joëlle qui est à l’origine de « Nature et Dépassement ». Elle avait commencé une pièce sur le thème des stages et des relations entre maîtres et stagiaires, mais, rencontrant quelques problèmes sans le développement de son idée, avait demandé à Olivier Dutaillis de la rejoindre dans cet exercice. Et le tandem a bien fonctionné.
Pourquoi ce sujet ? Ont-ils une relation personnelle, vécue avec ce monde des stages ? Non, mais Joëlle Seranne a connu des expériences assez proches : « J’ai dirigé des ateliers de théâtre et de danse. J’aime pousser les acteurs, les danseurs assez loin, très loin. Mais pas dans le négatif ou le pervers ! Il faut faire oublier aux participants leur manque de confiance, leur donner une énergie positive. Quand on mène les gens loin, on obtient des choses extraordinaires, au niveau de la créativité et de l’émotion. » Olivier Dutaillis, de son côté, insiste sur le fait que « Nature et Dépassement » est une fiction à laquelle Joëlle a apporté sa connaissance du travail en groupe : « On a mis sur scène un phénomène de société qui traverse les modes. L’un des personnages de la pièce, Marie-Jo, faisait déjà des stages vingt-cinq ans auparavant, quand on apprenait le macramé. Elle a pratiqué d’autres techniques et est arrivée aux stages de rire qu’on organise aujourd’hui. Elle a toujours voulu aider les autres à sa façon. Elle aurait pu faire du coaching dans les entreprises, mais elle s’y est refusée parce que cela ne l’intéresse pas de rendre les gens plus performants dans leur travail. Elle préfère les réconcilier avec eux-mêmes. Pour créer cette femme, Joëlle bénéficiait d’une pratique que je n’ai pas. »
Dans la première tentative de Joëlle, il y avait plusieurs personnages. C’était tout un stage en action. Une fois soumise à leur double regard, la pièce s’est restructurée et concentrée sur trois protagonistes : au stage ne venait plus qu’une postulante, les autres n’arriveraient jamais ! Olivier retrouvait peu ou prou son savoir-faire de scénariste, puisqu’il collabore régulièrement avec des chaînes de télévision. « Faire un scénario, c’est une activité de synthèse, dit-il. C’est raconter une histoire en intégrant les idées exprimées, ce qui enrichit les points de vue. » mais, là, sans doute, la collaboration fut encore plus complice, tout au long des mois d’écriture commune.
Après bien des séances de travail, Olivier rédigea une première mouture, à partir de laquelle tous deux firent d’incessantes mises au point. Les personnages prirent ainsi une vie pleine et intense. « Les trois sont fragiles et touchants », affirment en chœur les auteurs.
Qui est Marie-Jo, l’animatrice du stage ? Pour Joëlle, « c’est une énergie ambulante. Sa vie, ce sont les stages. Ce sont les seuls moments où elle peut se donner complètement ». Pour Olivier : Marie-Jo est plus dans son activité de gourou que dans la vraie vie. Elle comble un appétit de pouvoir, mais elle est sous la coupe de sa mère ! Elle n’en a pas moins un vrai talent. Quand elle endosse un problème, c’est pour le régler. Chaque relation qu’elle assume est thérapeutique. »
Et Jeff, l’assistant ? « C’est un mythomane, dont Marie-Jo laisse la mythomanie s’épanouir, répond Olivier. Victime dans la vie, il peut, dans les stages, raconter ce qu’il ne fera jamais et il se projette dans les aventures qui ne vont jamais loin. » Joëlle le voit comme « quelqu’un qu’on voit venir de loin, mais qui a un bon feeling, un réel talent lui aussi. Des modèles ? Nous n’avons pas pensé à des personnalités précises. Jeff est né de l’observation de bien des gens et des petites névroses de chacun. »
Et, enfin, la stagiaire, l’unique stagiaire, Béatrice ? « C’est la néophyte des stages, dit Olivier. Elle est prise en tenailles et fait figure de victime, au début. Mais elle va aller loin, révéler un caractère de fonceuse qui tente de s’éprouver et d’éprouver ce qu’elle a en elle-même. » Elle est la principale clef de la pièce qui porte moins sur les stages que sur les relations souterraines. « Béatrice a un aspect manipulateur, précise Joëlle. Qui manipule qui ? C’est l’une des choses qui nous ont intéressés. On se demande si elle ne manipule pas les autres sous des airs de victime émotive. Il y a bien des jeux de cet ordre, sous-jacentes, avec des renversements d’alliances. »
Telle est la nouvelle aventure de Joëlle Seranne et d’Olivier Dutaillis qui ont précédemment collaboré d’autres manières. Ils se sont connus dans un cours privé. Joëlle pratiquait la danse, Olivier du Théâtre. Mais, dit-il, « j’apprenais le théâtre en écrivain. J’avais écrit des romans et, désirant écrire pour la scène, je voulais voir comment les choses se passaient sur un plateau. »
Joëlle allait montrer de plus grandes dispositions pour le jeu : elle entra au Conservatoire où elle fréquenta des gens passionnants mais n’entra dans une équipe : « c’était une promotion d’élèves indépendants ». En sortant, elle créa une compagnie avec Olivier, la compagnie des Halles, qui allait faire beaucoup de spectacles, notamment « Le Mariage forcé » et « La Comtesse d’Escarbagnas » de Molière, en coproduction avec le Centre dramatique de Nancy : « En faisant de Molière un précurseur de la comédie musicale, j’utilisais la danse comme une vie d’actrice et metteur en scène, préférant « réaliser des projets, plutôt que de faire des castings ».
Olivier est assez vite devenu un jeune auteur de théâtre repéré. C’est Jean-Claude Grumberg, rencontré lors d’un débat à la FNAC, qui l’a convaincu de tenter l’écriture dramatique. Dutaillis parle de Grumberg comme de « son parrain de théâtre ». En 1994, la pièce de Dutaillis, « Les Grandes Personnes », histoire d’une femme cherchant un homme qui lui ferait un enfant et disparaîtrait, est montée avec Marion Bierry au Poche-Montparnasse, et c’est un succès. Ensuite, il fit jouer d’autres pièces et ses collaborations, « heureuses », pour le petit écran (parmi lesquelles il semble préférer « Une preuve d’amour », réalisé par Bernard Stora) l’ont de temps à autre arraché au travail solitaire du romancier et du dramaturge.
Au théâtre, il a vu ses pièces représentées dans différents circuits et sait que l’auteur n’est souvent perçu que de manière fragmentaire : « Si l’on veut que la pièce soit montée avec une certaine visibilité, il faut souvent attendre un certain temps. Si l’on veut un montage plus marginalisé, avec une petite compagnie, c’est plus rapide. Mais il y a très peu d’auteurs dont on ait un réel aperçu de l’œuvre dans son ensemble. J’essaie, quant à moi, de faire un théâtre elliptique, au style concis, dont la drôlerie va de pair avec l’émotion et où le spectateur doit aller capter sur le plateau ce que le texte a en lui. »
Une malice douce et rêveuse relie ces deux artistes, elle, plus aérienne, lui, plus terrien, qui travaillent ensemble ou séparément, selon leurs projets et les aléas du métier. Ils ont aussi coréalisé un court métrage, « La Mue ». Et rêvent l’un et l’autre de réalisation pour le cinéma.